La Dictée ! Pourquoi et....... Comment ?

Publié le par Paul Cortès

Préambule

          A l'occasion de chaque publication des classements PISA, la Dictée revient systhématiquement sur le tapis médiatique. Présentée comme la panacée, face aux récurrents constats des faiblesses orthographiques de nos élèves, elle s'accompagne inévitablement d'incriminations feutrées à l'encontre des enseignants supposés ne plus assez y recourir.
          Bref, loin de ces déductions carricatuarales et injonctions simplistes, la dictée n'en demeure pas moins un réel sujet d'interrogations pour tout enseignant débutant souhaitant l'inscrire dans ses pratiques, notamment dans les petites classes du cycle élementaire.
En résumé, pourquoi la dictée, quel type de dictée mettre en oeuvre et, surtout, comment s'y prendre ?

          Confronté à ce problème il y a près d'une quarantaine d'années dans des classes à double niveau, j'avais été amené à définir une procédure initiale, très accompagnée, pour mes élèves de CE1, puis à en dériver une seconde, spécifiquement conçue pour mes élèves de CE2 qui disposaient de connaissances suffisantes pour travailler en autonomie. Cette seconde procédure, parfaitement déclinable en classes de CM, pourrait éventuellement intéresser des collègues ayant des classes à cours multiples.

         Ces façons de travailler, probablement pas plus efficaces que d'autres, correspondaient à mes conceptions pédagogiques et au contexte scolaire dans lequel j'enseignais alors : zone rurale socio économique relativement favorisée, enfants maîtrisant tous la langue française, parents scolairement investits. Bref, d'excellentes conditions... moins présentes actuellement.

         Avertissement : Les corpus des dictées de texte qui seront présentés par la suite pourraient ne pas convenir à bon nombre de collègues (thèmes, longueur, niveau de difficultés). Il est nécessaire de les modifier annuellement en fonction du niveau global de sa classe, mais aussi d'adapter leur longueur et difficultés aux capacités individuelles de chaque élève.  

Intérêt de la dictée        

          Mes élèves avaient à préparer deux dictées par semaine. Cela commençait dès le début d'année par des dictées de mots, auquelles venaient s'ajouter, en milieu d'année, des dictées de phrases, (petit texte). 
Avant de se consacrer à la Dictée de texte, il me semble préférable de revenir sur les dictées de mots, dont les deux listes que j'utilisais à cet effet sont présentes dans le menu déroulant dans les articles : 
         - Révision des phonogrammes par la dictee de mots. (pour CE1)
         - Apprentissage de listes de mots comportant le même son final. (pour CE1 et CE2)

          Pour rappel, les dictées de mots de la première liste permettent d'exercer et d'automatiser la discrimination auditive nécessaire à la la transcription phono-graphique de tous les segments sonores d'un mot.
Cela implique d'abord la répétition (et/ou subvocalisation) exacte du mot à écrire, puis sa rigoureuse segmentation sonore en syllabes, suivie de la segmentation de chaque syllabe afin d'identifier de façon  ordonnée tous les phonèmes qui la composent (sans omission, adjonction ou inversion), pour enfin transcrire leur graphème approprié, sachant qu'un seul phonème peut avoir de multiples graphèmes.
Cette liste passe tous ces phonogrammes en revue et servira à mémoriser des "mots exemples" comportant tel ou tel phonème précis, que l'on peut présenter sur des panneaux muraux du type :              →  o     moto
                                                  [o]   →  au    jaune 
                                                          →  eau    bateau

On peut aussi laisser à disposition des élèves un aide mémoire du type :

           Quant à la seconde liste, elle s'intéresse à des particularités orthographiques qui peuvent souvent poser problèmes à nos élèves :  
- les morphogrammes lexicaux de fin de noms et d'adjectifs qualificatifs (les "lettres muettes") qui sont des marqueurs d'appartenance à une famille de mots et amorcent leurs dérivés,
- certains morphogrammes grammaticaux de fin de mots relevant du registre des règles d'accord  "d'exception"  telles que les terminaisons particulières des noms et adjectifs qualificatifs au pluriel, ainsi les terminaisons conventionnelles des verbes conjugués,
- les suffixes récurrents de noms et d'adjectifs qualificatifs au masculin et au féminin, de verbes, d'adverbes dérivés d'adjectifs qualificatifs,
- les mots invariables tels que tous les déterminents, adverbes, pronoms, conjonctions, ...
Pour certains de ces morphogrammes ou terminaisons récurrentes on peut aussi créer des affichages muraux spécifiques ou laisser à disposition des aides mémoires du type :


        Pour la Dictée traditionnelle, à savoir d'un texte court, il n'est peut-être pas inutile de rappeler son double intéret, ceci afin d'expliquer mes orientations et les pratiques pédagogiques qui en découlent.   
         
1) - Le premier intérêt tient dans le fait que la dictée est un temps d'écriture dédiée au réinvestissement des connaissances permettant de transcrire l'identité orthogaphique exacte de chaque mot, en conformité avec les multiples règles orthographiques étudiées de façon cloisonnée lors des séances spécifiques de Vocabulaire,  Orthographe  (phonologique et d'usage), Grammaire, Conjugaison, Dictées de mots et autres opportunités relevant de l'étude de la langue (Lectures diverses, Productions d'écrit, Copies diverses,...)
          Il est d'une part question de confronter les élèves à l'écriture de "mots indépendants", (comme dans les dictées de mots), mais cette fois intégrés dans des phrases faisant sens, et dans lesquelles les contextes syntaxiques et sémantiques vont orienter et modifier certaines écritures habituelles. Il faudra distinguer et choisir entre des homophones (a/à), des homonymes (mère/mer), ne pas omettre des morphogrammes lexicaux, placer les marques de ponctuation, les majuscules,...
          Et d'autre part, à des "groupes de mots" devant se lier entre eux en se conformant à certains accords grammaticaux "de base" nécessitant des morohogrammes grammaticaux adaptés, soit en genre et nombre pour les noms et déterminents, soit en terminaisons adéquates pour les verbes conjugués avec des pronoms personnels usuels des tableaux de conjugaison (je, tu, il,...). Pour cela, il va être nécessaire de partiquer des analyses de phrases  les groupes verbaux et nominaux 
         
2) - Le second intérêt, et non des moindres, est de faire prendre conscience à nos élèves que toute écriture de mots est soumise à une conformité orthographique. Il en découle que la non-conconformité orthographique, l'erreur, est potentiellement omniprésente lors de toute transcription phono-graphique.
        Pour éviter l'erreur, il devient impératif d'être constamment aux aguêts et d'employer de rigoureuses procédures de recherche et de questionnement constant pour utiliser aux mieux toutes les connaissances, rêgles orthographiques en notre possession (et qui nous sont rappelées par les "Aides" (affichages et documents de synthèse) à notre disposition.
          C'est de la construction progressive d'une démarche d'écriture analytique dont il est question, et cette finalité requiert la nécessité d'initier et d'habituer le plus tôt possible les élèves à automatiser un protocole d'analyse grammaticale pour chaque syntagme ou phrase qu'il transcrit. Cela passe par l'obligation de se poser une succession de questions clairement stéréotypées destinées à repérér la nature et la fonction des  mots en vue de les accorder selon les "règles" d'usage (verbes-sujets) pour les groupes verbaux, noms déterminents-adjectifs) pour les groupes nominaux. Et ceci tant au moment de la transcription, qu'après celle-ci, au moment de la re-lecture de ce qui a été transcrit.

         Le doute, "la chasse à l'erreur" doivent être opportunément intégrés durant les dictées pour en espérer le  transfert lors de toute les situation de rédaction "libre" que les élèves sont amenées à effectuer, ne serait-ce que dans le cadre de la classe (copies d'énoncés, de leçons, réponse à des questions, rédactions diverses de textes, ...). Cet important effort cognitif, fondé sur des acquisitions méta linguistiques, peut mettre de très longues années avant de porter ses fruits; il est donc primordial de trouver une approche non culpabilisante, très explicitement aidante et d'offrir un maximum de documents d'aides, principalement visuels et mnémotechniques pour rappeler la multitude de procédures et de règles à mobiliser durant et après la dictée. 
 
Exemples d'aides

Affichage mural et/ou Feuille d'aide. (A consulter librement avec les encouragements pressants de l'enseignant pendant la dictée et la re-lecture de la dictée).

Important : Il est indispensable de "construire" préalablement ces affiches et aides avec les élèves au tableau, très sommairement, puis en les enrichissant progressivement.
Leur donner des documents synthétiques de cette complexité, sans qu'ils aient assisté et participé à leur conception n'aurait strictement aucune efficacité.

 

 

 

     Les élèves doivent aussi avoir accès, (selon les périodes et les conjugaisons étudiées) à des panneaux comportant des tableaux de conjugaisons de verbes du 1ier et 2ième groupe (parler) et (finir), et de verbes du 3ième groupe (être, avoir, faire, dire, écrire, venir, aller, boire, pouvoir, prendre, attendre,...) au présent, au futur ou passé composé.

Pour le présent, j'avais réalisé la synthèse suivante qui était affichée en classe :

Procédure de préparation des dictées de CE1

     L'exercice de la dictée tel que je le pratiquais comportait

trois temps :

1)  La préparation en classe (étude du corpus et suivie de sa copie dans un cahier dédié).
2)  La révision de la dictée à la maison *.
3)  L'écriture du corpus sous la dictée de l'enseignant, suivie d'une re-lecture silencieuse. (Les élèves étant invités à corriger leurs erreurs décelées, ceci avec la possibilité d'utiliser les aides à leur disposition).

Une correction collective n'est généralement pas prévue, étant donné le temps conséquent déjà consacré à cette activité...Mais elle peut parfaitement s'envisager.

* Le corpus des dictées sont délibérément un peu longs; ceci pour héviter que des enfants ne les mémorisent par coeur en totalité (à la maison en compagnie

de leurs parents) et s'évitent ainsi tout le travail d'analyse qui leur est demandé.

Temps 1 : la préparation en classe 

- La dictée nécéssite un premier temps de préparation en classe (compter 50 mn), aucours duquel le corpus sera écrit au tableau par l'enseignant, sous la dictée d'un à deux mots par différents élèves, une phrase après l'autre. L'enseignant rappelle qu'il sera leur "machine à écrire", il n'est que le transcripteur des mots qui vont lui être épelés. Il ne fera aucune de remarque, et transcrira les lettres qui lui sont dictées, erreurs comprises.

      Une fois la première phrase écrite, le travail de relecture commune commence. Successivement, mot après mot, ceux-ci vont être analysés par les élèves. Les "doutes" orthographiques seront pointés, discutés et expliqués (le recours aux affichages est fortement encouragé), les erreurs seront corrigées et aussitôt soulignées (pour permettre, à la maison, de se rappeler une règle ou une difficulté). 
     On peut aussi commencer par l'analyse grammaticale de la phrase : repérer le verbe, son sujet, le substituer par un pronom personnel et effectuer l'accord sujet-verbe. Idem pour les groupes du nom : recherche du nom, de son déterminent, des adjectifs, du genre et nombre afin d'effectuer les accords.

     Quand toutes les phrase ont été passées au crible. les élèves vont devoir recopier le corpus dans un cahier dédié *, sans oublier de souligner les difficultés**. Une occasion supplémentaire de se sensibiliser à certaines particularités et règles.

*Dans mes classes de CE1/2, je disposais d'un grand cahier 21/29,7, le "Cahier de Français", disposant de six parties : Orthographe, Grammaire, Conjugaisons, de Mots à apprendre, Dictées et Poésie, dans lesquelles les élèves écrivaient les "leçons, mots, dictées, récitations,...
** Il est important que 
les difficultés orthographiques présentes dans le corpus soient bien dosées et en relative adéquation avec les progressions du moment en Orthographe, Grammaire et Conjugaison. Il va aussi falloir tenir compte des capacités cognitves de certains élèves pour adapter les corpus en longueur, afin que la tache ne leur paraisse pas insurmontable et décourageante.

Temps 2 : La relecture à la maison

Il va être demandé aux élèves, au minimum, de relire la dictée à la maison et de s'aider des graphies soulignées pour se remémorer tout ce qui a qui pu leur poser problème. Il est souhaitable, dans la mesure du possible, que les enfants se fassent aider par un parent....Et que les aides-mémoires figurent dans leur cahier pour que parents et enfants parlent le même "langage orthographique".

Temps 3: La Dictée en classe

Avant la dictée, il sera rappelé aux élèves :
- d'écrire une ligne sur deux (pour faciliter les corrections durant la phase de re-lecture auto correctrice),
- de ne pas hésiter à regarder les affichages et autres documents d'aide (à placer sur sa table de travail),
- de ne pas oublier les majuscules, de faire attention à l'orientation des accents, de marquer certains accords "évidents" (notamment certains féminins ou pluriels)...

Durant la dictée, l'enseignant peut exagérément "accentuer":
- la segmentation de certains mots,
- la présence de tel ou tel déterminant, sujet ou pronom personnel, inducteur d'un accord à venir, 
- tout autre paticularité d'orthographe d'usage (double consonne, ge/gu, ç et autres graphies complexes.

Après la dictée, il est primordial laisser un temps important de relecture et de bien préciser aux élève qu'il leur est demandé, non pas de regarder, mais de "re"-"lire" chacun des mots qu'ils ont écrits. Ils doivent se comporter comme des détectives munis d'une loupe, en recherche des erreurs qui sont cachées et qu'il faut débusquer.

Liste des corpus (reprise d'un cahier d'élève), datant de 1998. 

     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Procédure de préparation des dictées de CE2

         La procédure qui concerne les CE2, diffère de celle des CE1 du fait, qu'avec un double niveau, il fallait trouver le moyen de les faire travailler en autonomie, de façon à pouvoir se consacrer pleinement aux élèves de CE1 pour diverses autres activités.

Etant donné la complexité que représente, pour des élèves de cet âge, l'identification claire des noms et des fonctions des mots, j'avais élaboré ce document d'aide supplémentaire pour leur permettre de gagner en autonomie. 

        En fin d'année, une fois que la nature des mots était initiée, il était possible de s'intéresser plus nettement à leur fonction et à aborder l"analyse grammaticale de certains mots.
Ainsi, ce second document, beaucoup plus complexe  donnait des exemples d'analyse de mots (nature et fonction) et permettait d'affiner leurs rapports et d'expliquer, avec des termes grammaticaux appropriés, les accords auquels ils étaient assujettis.

Il va de soi que ce travail avait déjà été pratiqué durant des séances spécifiques de grammaire.

Temps 1: la préparation en classe (en autonomie)

           Donc, pour les CE1, le corpus de leur dictée était déjà écrit au tableau. Ils devaient d'abord le lire, puis le recopier dans leur cahier de français.
Chaque phrase était numérotée, de façon à pouvoir les repérer rapidement et effectuer le travail d'analyse qui leur sera demandé après la copie.
 

           Après celà, ils devaient effectuer l'analyse grammaticale de chacune des phrases du corpus, l'une après l'autre, au moyen de deux grilles d'analyse spécifique à chaque dictée, qu'ils devaient coller dans leur cahier de français, sous la dictée recopiée. 
Dans les cases de la première grille, il leur était demandé de repérer les verbes (infinitif et temps), leur sujet (avec leur pronom personnel de substitution), et l'accord correspondant (terminaison du verbe adéquate).
Après l'analyse du groupe verbal, venait celle des groupes nominaux qui s'exercait dans une seconde grille : recherche des 
noms, de leur déterminant et adjectifs, leur genre et nombre et les marques des accords correpondants.

En fin d'année, une approche d'analyse grammaticale pouvait être abordée. les grilles d'analyse de la dictée différait pour s'adapter à ce nouveau travail de recherche grammaticale (en référence au second aide mémoire concernant la nature et fonction des mots).

Une fois ce travail effectué, (seulement en partie pour certains élèves plus lents), je me consacrais à ces élèves pour refaire ces mêmes recherches en commun, mais plus rapidement qu'avec les CE1, sans oublier de souligner toutes les difficultés et sources d'erreurs observées.  A noter que les grilles n'étaient pas corrigées individuellement, elles ne servaient que d'entrainement. Par contre, les particularités et accords devaient être soulignés sur la dictée recopiée.

Temps 2 : la relecture à la maison (idem que pour les CE1)

Temps 3 : La dictée en classe (idem que pour les CE1)

Liste des corpus et des grilles d'analyse. 

        

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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